jeudi 24 juin 2010

The National - Brooklyn Academy of Music - 2010




Trois ans après Boxer, unanimement porté aux nues par la presse rock mondiale, The National refait surface avec High Violet, son cinquième album. Celui de la consécration commerciale ?

Groupe respecté par la critique depuis ses débuts, et notamment son deuxième LP, le relativement confidentiel Sad Songs For Dirty Lovers (2003), The National avait marqué un grand coup avec ses deux albums suivants : Alligator en 2005, puis Boxer en 2007, tous deux cités dans la plupart des tops de la décennie par la presse et la blogosphère rock. En 2009, la côte hype du quintet américain a sensiblement monté d'un cran grâce à leur participation remarquée (sur le web du moins) à la campagne de Barack Obama, puis à la compilation caritative Dark Was The Night. Sur cette double galette figurait en effet le gratin de l'indie rock, avec des noms affriolants tels que Sufjan Stevens, Arcade Fire ou encore Bon Iver. Trois noms qu'on retrouve au casting de High Violet, le cinquième LP de The National.

Alors, branchés les National ? Nope. Rien à faire, bien qu'ils vivent à Brooklyn, les hommes de Matt Berninger conservent une attitude modeste et anti-hype au possible, pour ne pas dire rustique - sans doute un reste de leur Ohio natal. Fidèle à son esthétique, Matt Berninger continue de scander ses chansons torturées, avec la même solennité que sur le reste de sa discographie, loin du glamour et de l'attitude cool qui font la gloire de Vampire Weekend ou MGMT. Regarder leur (très belle) "Castle Rock Session", tournée pour le site Pitchfork dans un manoir glauque perdu en pleine forêt, suffit pour s'en convaincre : le quintet, sans look ni sans reproche, ne fait pas dans l'esbroufe. D'un point de vue musical aussi, la continuité et la subtilité priment sur les grands effets. C'est donc à nouveau Peter Katis, metteur en son plutôt discret d'Alligator et Boxer, qui produit High Violet.

Gorgé d'une emphase rentrée, filtrant pas minces rayons pop, l'album ne pète pas à la gueule comme un disque d'Arcade Fire - groupe auquel on pense parfois ici, notamment parce que Richard Parry y participe vocalement - mais n'est pas pour autant un pétard mouillé. Les fans de The National, qui sont des gens patients, le savent bien, habitués à décortiquer les textes du ténébreux Matt Berninger longtemps après la sortie de chaque opus. Désormais familière, l'intimidante voix de baryton égrène ici encore de saisissantes images surréalistes ("it's a terrible love that i'm walking with spiders", sur "Terrible Love"), ou poétiques ("I was carried to Ohio in a swarm of bees / I was never married, but Ohio didn't remember me" sur "Bloodbuzz Ohio"), toujours angoissées ("Sorrow found me when I was young, sorrow waited, sorrow won" sur "Sorrow"). Mais ce spleen à la Spingsteen n'est jamais plombant chez The National, groupe qui excelle à mettre sous tension mélodique ses errements métaphysiques, comme sur l'imparable "Lemonworld", à la solennité enjouée.

Plus ouvragées qu'à l'accoutumée, moins brutes, les orchestrations (chœurs, cuivres, et cordes) ne s'égarent jamais dans un lyrisme ampoulé, tenues à la bride par la batterie précise de Bryan Devendorf. Si les puissantes "Bloodbuzz Ohio" et "Anyone's Ghost" accrochent rapidement l'oreille, le reste de l'album, se révèle plus lentement, au fil des écoutes successives : on découvre alors des perles noires comme "Conversation 16" ou la très springsteenienne "Runaway". Difficle d'émettre un jugement définitif, donc. Mais sachez qu'à l'heure où nous écrivons cette chronique, les onze titres de High Violet commencent à dessiner un classique du niveau de Boxer. Allez, on presse le bouton "repeat".

[Fluctuat]

Soundboard - Mp3 - 192k - 108 Minutes à écouter ou télécharger là bas:

http://www.zshare.net/audio/775777151f56fa88/

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